Asset Management Europe: Lettre Mensuelle - Juillet 2020

Marc-Antoine Collard, Chef économiste, Directeur de la recherche, Asset Management, Europe

Évolution de la conjuncture

La pandémie de COVID-19 a conduit à une récession mondiale synchronisée d’une ampleur historique. La contraction du PIB au T1 2020 aura été plus forte que prévu et les indicateurs de haute fréquence indiquent une chute encore plus sévère au T2, à l’exception de la Chine où la majeure partie du pays avait débuté les réouvertures début avril. Les mesures de soutien budgétaire mises en oeuvre jusqu'à présent – et anticipées pour le reste de l'année – ont néanmoins permis d’amortir le choc sanitaire et les investisseurs semblent convaincus qu’une reprise s'amorce avec éclat, prévoyant une augmentation record du PIB au S2 2020 après la chute brutale du début d’année. Les politiques monétaires ont également joué un rôle majeur dans l’amélioration du sentiment des investisseurs. En effet, des actions rapides et, dans certains cas, novatrices de la part des banques centrales ont amélioré l'offre de liquidités et limité l'augmentation des coûts d'emprunt.

Or, bien que la plupart des pays aient commencé à réduire progressivement les mesures de confinement et que, parallèlement, les données économiques aient rebondi, certaines restrictions pourraient perdurer pendant plusieurs mois, bridant ainsi la reprise. D’ailleurs, si la confiance des entreprises et des ménages s’est redressée, elle reste néanmoins déprimée par rapport aux normes historiques. En outre, alors que les décideurs publics ont pris des mesures sans précédent pour soutenir leurs économies, les investisseurs ont choisi, pour l'instant, de fermer les yeux sur les limites de telles mesures et sur les conséquences à plus long terme pour la stabilité financière.

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En zone euro, la BCE s'est engagée à agir avec force pour soutenir l'économie et a élargi ses achats d'actifs, principalement par le biais du Programme d'achat d'urgence pandémique (PPP) doté d’une enveloppe de EUR1350 mds, les achats nets devant se poursuivre jusqu'en juin 2021 au moins. En l’absence de fiscalité européenne centralisée, la réponse budgétaire à la crise a été presque exclusivement laissée aux budgets nationaux, les gouvernements adoptant des mesures telles que le soutien du revenu aux ménages, les reports d'impôts, les garanties de prêts ou encore les régimes de chômage partiel. Cela dit, le taux de chômage pourrait augmenter fortement au cours des prochains mois à mesure que les programmes de subventions à l'emploi expireront, que les faillites prendront forme et que certains reviendront sur le marché du travail. En outre, les pourparlers entre l'UE et le Royaume-Uni n'ont pas permis des avancées significatives, prolongeant ainsi le climat de flottement pour les entreprises. Le négociateur britannique David Frost a souligné que certaines des "positions irréalistes de l'UE" devront changer pour espérer trouver une entente, tandis que le négociateur européen Michel Barnier a averti qu'il y avait encore de grands écarts entre les deux parties dans la plupart des domaines. En somme, un accord commercial d'ici la fin de l'année reste incertain.

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En Chine, l’activité économique s’est ressaisie, largement tirée par l'offre. Du côté de la demande, une reprise progressive de la consommation des ménages est en cours, mais les craintes persistantes liée à la COVID-19, la baisse de l'emploi et les faibles perspectives de revenus pèsent néanmoins sur la vitesse du retour à la normale. Par ailleurs, la pandémie a eu un impact particulièrement négatif sur les chaînes de valeur mondiales, entraînant une série de perturbations dans les liens en amont et en aval. De plus, le flou entourant les perspectives économiques mondiales, l’effondrement du commerce mondial et la montée des tensions dans les relations sino-américaines sont autant de vents contraires pour les exportations chinoises. Dans l'ensemble, bien que les investissements privés et publics et l'assouplissement monétaire soutiennent la croissance chinoise, le processus de normalisation de l’activité demeurera très graduel et inégal.

Si l'assouplissement des restrictions a été généralisé aux É.-U., il ne reflète toutefois pas le succès des politiques de confinement. Ainsi, les craintes d'une rechute économique se sont récemment intensifiées, le pays enregistrant le plus grand nombre de nouvelles infections quotidiennes depuis le début de la pandémie. En conséquence, des états américains ont été contraints d’interrompre la réouverture progressive de l’activité et certaines restrictions ont été réintroduites à mesure que la capacité de soins de santé est menacée. Une nouvelle détérioration de la situation sanitaire pourrait nuire à la confiance des consommateurs et donc à la consommation. De plus, le programme de bonification des allocations de chômage expirera fin juillet et son nonrenouvellement pèserait sur les revenus des ménages, soulevant là aussi des doutes quant à la durabilité de la reprise économique naissante. Jusqu’à présent, les mesures mises en place par la Fed et le Congrès américain ont apporté une liquidité abondante sur les marchés financiers, stimulant au passage les prix des actifs risqués en évitant que les problèmes de liquidités temporaires ne se transforment en un risque de solvabilité paralysant. Or, les agences de notation prévoient un scénario de récession classique, accompagné d'une flambée typique de faillites. Le FMI et la BRI ont récemment mis en garde contre l'exubérance des marchés en raison de la déconnexion entre les fondamentaux économiques d'une part, et l'appétit pour le risque d'autre part.

En somme, les données montrent un redressement de l'activité, mais outre la durée de la pandémie, plusieurs questions demeurent. Comment la distanciation sociale affectera-t-elle les dépenses ? Quelle sera la capacité des travailleurs à retrouver un emploi ? Comment les reconfigurations des chaînes d'approvisionnement affecteront-elles la productivité ? En fait, l'héritage de la pandémie pourrait être encore plus profond et plus durable par rapport à la grande crise financière de 2008/09. Par conséquent, une reprise en forme de « V » s’avère très incertaine. Le risque d’un « W » a d’ailleurs augmenté en raison de l’accélération des nouveaux cas de COVID-19 et de la persistance des effets négatifs du choc sanitaire, ce qui pourrait déclencher un resserrement des conditions financières mondiales. En effet, les investisseurs, actuellement positionnés pour un rebond rapide, pourraient plutôt envisager une reprise économique beaucoup plus lente et cahoteuse.

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