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Le contrat de capitalisation

  • Partner - Responsable de l'Ingénierie Patrimoniale - Rothschild Martin Maurel

Le contrat de capitalisation est, à côté de l’assurance-vie, le second grand produit d’épargne proposé par les compagnies d’assurance. Ces deux enveloppes partagent de nombreux points communs (univers d’investissement identique, capitalisation des revenus) mais se distinguent notamment par leur nature juridique différente ainsi que leur régime fiscal au décès du titulaire.

Instrument d’épargne capitalisant, outil de transmission et/ou de gestion de fonds démembrés, support également accessible pour les personnes morales, voilà autant d’atouts que propose ce produit.

S’il est moins connu que l’assurance-vie, le contrat de capitalisation mérite cependant d’être « redécouvert » : une évolution de son régime fiscal en 2019 lui redonne toute sa place dans les stratégies patrimoniales et lui permet de devenir désormais un complément appréciable des autres enveloppes de détention des instruments financiers (compte titres, assurance-vie, PEA etc.).

 

Un produit d’épargne pure

Si, comme l’assurance-vie, c’est un produit proposé par les compagnies d’assurance, il n’est cependant pas une opération d’assurance puisqu’il n’existe aucun assuré et qu’il ne se dénoue pas au décès du souscripteur.

Pur produit d’épargne dont le dénouement ne dépend donc pas de la réalisation d’un risque ou aléa (la vie humaine), le contrat de capitalisation est juridiquement une convention conclue entre une compagnie d’assurance et un souscripteur « comportant, en échange de versements uniques ou périodiques, des engagements déterminés quant à leur durée et à leur montant ».

 

La gestion  

Produit d’épargne, à l’image d’un instrument financier, le contrat peut être cédé à titre onéreux ou transmis à titre gratuit (donation, succession). Son dénouement s’opère par un rachat par le souscripteur ou par l’arrivée du terme du contrat.

L’univers d’investissement est strictement identique à celui de l’assurance-vie. Ainsi le souscripteur aura accès au fonds en euros et/ou aux unités de compte (UC) type Sicav, fonds de capital investissement (private equity) ou produits structurés (EMTN, fonds à formule) et également à des titres vifs.

 

Un instrument liquide pouvant servir de garantie

Le contrat de capitalisation, à l’instar de l’assurance-vie, est un produit liquide (sous réserve de celle des investissements sous-jacents) pouvant être racheté à tout moment.

Si le souscripteur a un besoin de liquidités, il peut réaliser un rachat partiel du contrat, ou, s’il ne souhaite pas générer de revenus (pour éviter de dégager la fiscalité sur les revenus alors qu’il sait qu’à court ou moyen terme il disposera de liquidités), demander une avance à la compagnie.

Autre solution : le nantissement du contrat pour garantir un emprunt. Pour l’emprunteur elle sera moins coûteuse que d’autres garanties et elle offrira au souscripteur un effet de levier financier pour financer certaines opérations tout en laissant fructifier son épargne.

 

La détention par les personnes physiques :

Les règles de capacité sont identiques à celles de l’assurance-vie : mineurs, majeurs sous tutelle ou curatelle peuvent souscrire. Le contrat peut également être abondé par une prime unique ou par plusieurs versements, au choix du ou des souscripteur(s) (la co-souscription étant possible).

L’enveloppe permet une capitalisation des gains et plus-values générées en son sein, lesquels ne sont imposés qu’au moment du rachat (partiel ou total) du contrat, seuls les prélèvements sociaux sur le fonds en euros seront pris annuellement, comme en assurance-vie.

La fiscalité des rachats sur un contrat de capitalisation est strictement identique à celle appliquée en assurance-vie (bénéfice de l’abattement de 4600€/9200€ au-delà de 8 ans de détention puis, selon la date de versement des primes et leur montant, application du prélèvement forfaitaire libératoire ou de la flat tax, sauf option du souscripteur pour l’impôt sur le revenu).

Concernant l’IFI, le contrat de capitalisation est régi par les mêmes règles que l’assurance-vie : la valeur des actifs immobiliers détenus indirectement via les unités de compte est communiquée annuellement par les compagnies d’assurance aux souscripteurs, pour intégration à leur déclaration IFI.

À la différence de l’assurance-vie, il n’existe pas d’assuré, ni de clause bénéficiaire. Au décès du souscripteur, le contrat de capitalisation, fait partie civilement comme fiscalement de la succession du défunt. Il n’est donc pas dénoué par le décès de l’investisseur. Le contrat conserve donc son antériorité fiscale et les gains latents ne sont pas soumis à une imposition sur le revenu. Les éventuels arbitrages et la faculté de rachat relèveront des héritiers selon leurs droits (indivision et/ou démembrement).

Le contrat de capitalisation ne bénéficie d’aucune fiscalité successorale spécifique, sa valeur au jour du décès (gains inclus) est assujettie aux droits de succession.

Il peut faire l’objet d’une attribution si un partage de la succession est décidé par les héritiers ou en amont via un testament. Il peut également être transmis par donation.

Le 20 décembre 2019, l’administration fiscale a modifié sa doctrine concernant la prise en compte des plus-values lors des transmissions des contrats de capitalisation par donation ou succession. Jusqu’à présent, la transmission du contrat ne modifiait pas le prix de revient (la plus-value n’était donc pas purgée). Les donataires ou héritiers devaient alors régler, lors des rachats ultérieurs qu’ils réalisaient, un impôt sur les gains générés antérieurement à la transmission. Désormais le prix de revient est revalorisé lors d’une transmission en pleine propriété et s’entend de la valeur vénale du contrat retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit. Les rachats postérieurs à la transmission sont donc désormais taxés sur la différence entre le montant de ce rachat et la valeur retenue lors de la transmission du contrat.

Malheureusement, l’administration dans ses commentaires a précisé que les droits de succession ou donation (même s’ils sont réglés par le donataire) ne rehaussent pas le prix de revient du contrat. 

Cette modification, passée relativement inaperçue, redonne donc un attrait significatif aux contrats de capitalisation comparativement aux portefeuilles titres ou même à l’assurance-vie car si le dénouement par décès d’un contrat d’assurance-vie n’entraîne pas d’imposition sur le revenu des gains accumulés dans le contrat, les prélèvements sociaux quant à eux sont dus. Le dénouement par décès d’un contrat d’assurance-vie ne purge donc pas toute la fiscalité sur les gains.

 

Les conséquences de la réforme fiscale sur les stratégies patrimoniales :

Le contrat de capitalisation peut faire l’objet d’une transmission du vivant du souscripteur, par donation ou donation-partage (cette dernière permettant l’absence de rapport et la non-réévaluation au décès de la valeur transmise). Des clauses de droit de retour et/ou interdiction d’aliéner peuvent être prévues. 

Idéalement, le donateur aura préalablement souscrit autant de contrats que de donataires/héritiers, afin d’éviter à ces derniers les inconvénients de l’indivision après la transmission. Chacun des enfants ou petits-enfants donataires, aura ainsi son propre contrat dont il pourra disposer librement.

Du fait que les droits de mutation réglés par le donataire ne rehaussent pas le prix de revient (réduisant d’autant la plus-value de rachat ultérieurement imposable chez le donataire), il est souhaitable, toutes les fois que cela est possible de faire prendre en charge les droits par le donateur.

Renouvelée tous les 15 ans, la donation de contrats de capitalisation permet de bénéficier de l’abattement lié aux transmissions, ainsi que des tranches basses de droits de donation, pour les sommes dépassant 100.000€. Cet instrument est donc complémentaire de l’assurance-vie qui ne permet que la transmission au décès et ne permet ni d’étaler la transmission du vivant du souscripteur ni de bénéficier au mieux des règles du rappel fiscal des 15 ans.

Ultime sophistication en termes de transmission : la donation avec réserve d’usufruit. Dans ce schéma, le(s) donateur(s) transmettent la nue-propriété des contrats (à leurs enfants le plus souvent) tout en conservant l’usufruit. Ils peuvent ainsi conserver les revenus générés par le(s) contrat(s) leur vie durant, tout en ayant entamé la transmission d’une partie de leur patrimoine à moindre coût.

En effet, les droits de donation (qui peuvent d’ailleurs être pris en charge par les donateurs sans que ceci ne soit considéré comme une donation supplémentaire), sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété, ce qui réduit d’autant le coût fiscal de la transmission. Au décès du(des) donateur(s), les nus-propriétaires devenus pleins propriétaires sans coût supplémentaire, disposeront du(des) contrats comme ils le souhaitent. Comparativement à une transmission non préparée, l’opération permettra de contourner les inconvénients liés à l’indivision successorale (si l’on prévoit autant de contrats que de couples nus-propriétaires/usufruitiers).

On prêtera une attention particulière à la convention de démembrement, qu’exigent les compagnies d’assurance et qui règle les droits respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Droits d’arbitrage ou de confier un mandat de gestion, droit de rachat, sont autant de modalités que précisera ce document.

Par exemple, la donation avec réserve d’usufruit, par un donateur âgé entre 61 et 70 ans, coûtera en taux marginal 27% (45% x 60%) de droit. Si ces derniers sont pris en charge par le donateur, le coût fiscal de la transmission (en taux marginal) tombe à 21,25%. Le levier fiscal est donc significatif.

Comparativement à l’assurance-vie, la transmission démembrée d’un contrat de capitalisation pourra souvent permettre de transmettre à un coût fiscal inférieur. Plusieurs paramètres influent sur le résultat (âge des donateurs, performance du contrat, durée de vie, possibilité de prise en charge des droits sans devoir racheter une partie du contrat avant transmission etc.). Ce qui est certain c’est que le contrat de capitalisation est un complément très intéressant à l’assurance-vie dans les stratégies de transmission du patrimoine. En effet il permet de détenir des actifs financiers dans un support capitalisant qui pourront être transmis, à la différence de l’assurance-vie, sans avoir à procéder au préalable à un rachat générant une fiscalité sur le revenu.

 

L’outil idéal pour un réinvestissement de fonds démembrés

Le contrat de capitalisation peut également constituer un support intéressant pour le réinvestissement de sommes issues d’un démembrement de propriété (succession avec attribution de l’usufruit au conjoint survivant, donation avec réserve d’usufruit)

Comparé au compte titres, le contrat de capitalisation permettra la capitalisation des revenus et l’augmentation des droits financiers de l’usufruitier.

Un réinvestissement des sommes en démembrement dans un contrat de capitalisation présente de multiples avantages.

Cela augmente les droits financiers de l’usufruitier grâce à la convention de démembrement qui lui donnera le droit de racheter seul l’accroissement de valeur du contrat (dividendes, intérêts, plus-values). L’opération fera également bénéficier l’usufruitier de la capitalisation des revenus).

Enfin il sera possible de loger les contrats dans une/des société(s) civile(s) dont les parts sont elles-mêmes démembrées, ce qui facilitera à travers les statuts, la mise en place de règles de gouvernance entre l’usufruitier et le nu propriétaire.

 

La détention par une société translucide

Dans les sociétés translucides (par exemple une société civile), les associés personnes physiques sont redevables de l’impôt. De ce fait, la capitalisation des revenus au sein du contrat limitera l’imposition des associés aux seuls cas de rachat (partiel ou total) du contrat par la personne morale.

Cet avantage ne se retrouve pas en cas de détention d’un compte titres par la société et ce dernier ne permet pas l’accès au fonds en euros. Enfin, chaque arbitrage réalisé sur un portefeuille titres induit sa retranscription dans la comptabilité de la société, alors que le contrat de capitalisation implique seulement une écriture comptable lors de rachats.

 

La souscription par une personne morale soumise à l’IS :

La souscription des contrats est ouverte aux sociétés, qu’elles soient soumises à l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Dans ce dernier cas, il ne pourra s’agir que de sociétés patrimoniales, les entreprises industrielles ou commerciales ne pouvant utiliser ce support pour gérer leur trésorerie. Les organismes à but non lucratif (OSBL) peuvent également souscrire.

Cet accès aux contrats de capitalisation est un atout puisque cette faculté n’est pas offerte aux sociétés concernant les contrats d’assurance-vie. 

À l’occasion des demandes de souscription, les compagnies d’assurance s’assurent que l’objet social mentionné dans les statuts des sociétés leur permettent un tel investissement.

Dans les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, l’imposition des gains se fait en deux temps. Annuellement la société est redevable d’un impôt forfaitaire égal à 105% du dernier taux mensuel des emprunts d’État à long terme (TME) en vigueur lors de la souscription du contrat (cristallisation du taux qui s’applique donc tout au long de la vie du contrat). L’imposition annuelle est donc équivalente à : valeur du contrat x taux d’IS x TME.

L’imposition annuelle est donc déconnectée de la valorisation réelle du contrat (et les arbitrages réalisés au sein du contrat ne sont pas imposés du fait de la capitalisation).

L’imposition définitive est reportée au moment du rachat du contrat. En effet, le gain réel du contrat est imposé lors du rachat (au taux de l’impôt sur les sociétés) après déduction du rendement forfaitaire déjà imposé chaque année.

Rappelons que dans un portefeuille titres, les plus-values latentes sur les OPC (composés à moins de 90% d’actions), sont imposées annuellement. Cet inconvénient n’existe pas dans les contrats de capitalisation.

Il ne faut cependant pas imaginer que le compte titres a perdu tout intérêt pour les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés. Aucune généralisation ne pouvant être faite, de nombreux paramètres influent sur le résultat final. Certaines simulations permettent d’estimer si l’investissement dans un contrat de capitalisation serait plus intéressant selon la durée prévue du placement, de la performance projetée et des frais de gestion du contrat de capitalisation.

À côté des avantages fiscaux, la détention d’un contrat de capitalisation par une société patrimoniale permettra, notamment, de gérer la transmission en démembrement, non pas au niveau du support mais au niveau des parts sociales/actions. C’est la nue-propriété des parts/actions qui sera transmise et la gouvernance sera régie par les statuts de la société, les donateurs étants nommés gérants de la société.

 

En conclusion, un instrument à ne pas écarter mais à combiner

Pour les personnes physiques, la réforme fiscale de 2019 a redonné de l’intérêt au contrat de capitalisation dans les stratégies de transmission, en simplifiant son utilisation. Ainsi, le prix de revient est désormais revalorisé lors d’une transmission en pleine propriété (plus-value purgée), cependant les droits de succession (ou donation) ne rehaussent pas le prix de revient du contrat.

Par ailleurs dans certaines situations, sa transmission démembrée pourra être moins coûteuse que l’assurance-vie.

Les précisions attendues de la part de l’administration fiscale, s’agissant de la méthode de calcul pour la base d’imposition en cas de rachat d’un contrat démembré, pourraient, si elles étaient favorables, augmenter encore l’attrait de cet instrument.

Contrat de capitalisation, assurance-vie et compte titres sont finalement des instruments complémentaires, permettant de combiner transmission de son vivant et à terme, le cumul des abattements, le bénéfice des tranches basses d’imposition, le réinvestissement en démembrement. Autant de moyens de réduire le coût global d’une transmission de patrimoine.

Le contrat de capitalisation peut également être souscrit par une société patrimoniale dont les parts sont démembrées, ce qui facilitera la gouvernance familiale, permettra la capitalisation des revenus, apportera une fiscalité favorable, tout en simplifiant la comptabilité.

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