Loi de finance

Le projet de loi de finances pour 2025

  • Partner - Responsable de l'Ingénierie Patrimoniale - Rothschild Martin Maurel

Le projet de loi de finances pour 2025 qui vient d’être présenté en conseil des ministres était très attendu, s’agissant notamment du volet fiscal. Plusieurs mesures retiennent l’attention avec notamment la nouvelle contribution pour les titulaires de hauts revenus. Les textes ne sont évidemment pas définitifs, ils pourront évoluer à l’occasion des débats parlementaires et d’amendements. Nous les commentons donc à l’état de projet et ne manquerons pas de vous tenir informé des évolutions notables.

 

Nouvelle contribution dite « différentielle » sur les hauts revenus

Appelée « contribution différentielle », ce nouvel impôt consiste à mettre en place un niveau de taxation minimum de 20%, tous revenus confondus.

Seraient concernés les contribuables dépassant un certain seuil de revenus (250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés ou 500 000 € pour les contribuables effectuant une déclaration commune), lesquels devraient donc s’acquitter d’une taxation d’au moins 20% sans prendre en compte les prélèvements sociaux.

L’assiette de cet impôt minimum de 20% serait proche en pratique du Revenu Fiscal de Référence qui sert de base à l’actuelle Contribution sur les Hauts Revenus (CEHR). Rappelons que celui-ci est relativement étendu, il intègre non seulement les revenus imposables, mais aussi certains revenus exonérés et quelques abattements qu’il convient de rajouter. En revanche, d’autres produits en restent exclus comme les plus-values immobilières exonérées, les retraits sur PEA ouvert depuis plus de 5 ans et bien entendu, les gains latents. Cependant dans le cadre de l’assiette de la « contribution différentielle », certaines déductions pourraient être prises en compte : abattement de 500.000 € pour départ en retraite ou encore abattement de 50% applicable aux plus-values d’acquisition sur actions gratuites en deçà de 300.000 €.

En pratique, il conviendrait donc de déterminer ce revenu fiscal de référence « retraité », de lui appliquer le taux de 20% et de déduire l’Impôt sur le Revenu avant réductions d’impôts (sauf exceptions) et la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus dus sur l’ensemble des revenus du foyer et ce, afin de calculer un éventuel complément de fiscalité à acquitter. En d’autres termes, si le taux d’impôt supporté excède d’ores et déjà le seuil de 20%, aucune « contribution différentielle » ne sera due. À l’inverse, un complément sera exigible à ce titre.

Par l’effet de ce nouvel impôt, certains revenus qui sont exonérés ou soumis à un prélèvement forfaitaire inférieur au taux de 20 % seraient susceptibles d’être concernés au premier plan.

Parmi les revenus actuellement exonérés d’IR pris en compte dans le revenu fiscal de référence, nous recensons notamment :

 

  • Les distributions et plus-values sur cession de parts sur SCR et FCPR (1 et 1 bis du III de l’article 150-0 A du CGI)
  • Les revenus exonérés au titre du régime des impatriés (article 155 B du CGI)
  • Les rémunérations exonérées de salariés détachés à l’étranger ou de fonctionnaires internationaux
  • Les revenus exonérés au titre d’une convention fiscale de non double imposition

S’agissant des revenus soumis à un prélèvement forfaitaire, nous pouvons citer :

  • Les revenus soumis au prélèvement forfaitaire unique non libératoire de 12,8% pour sa composante impôt sur le revenu (dividendes, intérêts, plus-values…) ;
  • Les intérêts générés lors de rachats en assurance-vie soumis au prélèvement forfaitaire libératoire de 7,5% après 8 ans.

 

Concrètement, ces derniers revenus subiraient potentiellement une fiscalité maximum de 37,2% (20% + 17,2% au titre des prélèvements sociaux) dans certains cas de figure, notamment si leur proportion dans les revenus du foyer est très significative (exemple A). Dans le cas contraire, la moyenne du taux d’imposition appliqué aux revenus soumis au barème (49% à la tranche marginale d’imposition) et des revenus à taux fixe (16,8%) peut dépasser le cas échéant le seuil de 20% et ne pas déclencher la « contribution différentielle » (exemple B).

 

Exemple A : soit une personne seule déclarant un dividende de 2 M€ et aucun autre revenu, le prélèvement forfaitaire unique sur le dividende s’élève à 667.500 € (256.000 € d’IR, 67.500 de CEHR, 344.000 € de prélèvements sociaux) soit un taux au titre de l’IR et de la CEHR de 16,17%. La contribution différentielle est donc due pour un montant de 76.500 € (400.000 € - 256.000 € - 67.500 €). Le taux d’imposition global qui en découle s’élève à 37,2% versus 33,38% avant l’instauration de la contribution différentielle.

 

Exemple B : soit une personne seule déclarant des revenus salariaux de 500.000 € et un dividende de 1 M€. L’impôt sur le revenu et la CEHR sur les revenus salariaux s’élèvent à 202.000 €, le prélèvement forfaitaire unique sur le dividende à 340.000 € (168.000 € au titre de l’IR et de la CEHR, 172.000 € au titre des prélèvements sociaux). La personne entre théoriquement dans le champ du dispositif mais elle n’a pas de complément à acquitter au titre de la contribution différentielle dès lors que le total de ses impôts sur le revenu et CEHR (370.000 € = 202.000 + 168.000) s’établit à 24,7 % du revenu de référence.

 

Les revenus exceptionnels seraient relativement épargnés car si ces derniers ne sont pas susceptibles d’être recueillis annuellement et dépassent la moyenne des revenus nets imposés au titre des 3 dernières années, ils n’intègreront la base taxable que pour le quart de leur montant. Concrètement, il semble donc que les plus-values de cession de titres taxées à 34 % (y compris CEHR), si elles ne sont pas récurrentes et si elles dépassent la moyenne des revenus sur trois ans, entreraient dans le calcul de manière très atténuée.

Enfin, le texte prévoit un mécanisme d’atténuation pour les contribuables ayant des revenus proches du seuil de déclenchement de cette contribution différentielle.

Cette contribution a vocation à s’appliquer sur les revenus perçus en 2024, 2025 et 2026.

À noter que pour l’entrée en vigueur en 2024, les revenus soumis à prélèvements forfaitaires libératoires (notamment ceux liés à des rachats de contrats d’assurance-vie) ne seraient pas pris en compte. Corrélativement ces prélèvements ne seraient pas déductibles de la contribution de 20%.

 

Aménagement des règles liées aux BSCPE et à l’inscription de ceux-ci en PEA

En réponse à deux jurisprudences récentes, le projet de loi de finances viendrait légaliser l’interdiction d’inscrire des BSPCE et les titres souscrits en exercice de ceux-ci au sein d’un PEA.

Par ailleurs, la possibilité de bénéficier d’un sursis ou report d’imposition en cas d’apport à une société soumise à l’IS de titres issus de BSCPE  serait confirmée par la loi. Le gouvernement entend cependant limiter les effets de cette neutralité en distinguant dans le gain sur BSPCE, un gain « salarial » correspondant à la différence entre la valeur du titre au jour de l’exercice du BSCPE et son prix d’exercice qui serait alors taxable en cas de disposition, cession, conversion ou apport des titres issus des BSCPE.

Ces mesures ne viseraient de notre compréhension que les BSCPE à l’exclusion des BSA et s’appliqueraient aux opérations réalisées (exercice, apports de titres…) à compter du 10 octobre 2024.

 

Location meublée non professionnelle et plus-value immobilière

Le projet de loi prévoit de mettre fin à une règle favorable liée au calcul de la plus-value immobilière pour les logements loués en meublé non professionnel (LMNP). Désormais, sauf rares exceptions, les amortissements qui auront été déduits pour la détermination de l’impôt sur le revenu sur les loyers perçus seront réintégrés pour calculer la plus-value imposable brute avant abattement en cas de revente du bien. Cette mesure concernerait les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2025.

 

Contribution « exceptionnelle » d’impôts sur les sociétés pour les grands groupes

Cette surtaxe a vocation à s’appliquer pour les deux exercices consécutifs qui seront clos à compter 31 décembre 2024. Le montant serait cependant réduit de moitié pour le second exercice.

La contribution serait déclenchée au-delà d’un certain montant de chiffre d’affaires. Ainsi, les groupes réalisant plus d’1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France seraient soumis à une contribution de 20,6% au titre du premier exercice, soit un IS de 30,15% (contribution de 10,3% pour le second exercice), ceux réalisant plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires seraient soumis à une contribution de 41,2% au titre du premier exercice, soit un IS de 35,3% (20,6% pour le second).

 

Taxe sur les rachats d’actions pour les grands groupes

Une taxe de 8% frapperait les rachats, par les grandes entreprises, de leurs propres actions. L’assiette de cette taxe à la charge de la société serait constituée des sommes issues de la réduction de capital et de la fraction des sommes ayant le caractère de primes liées au capital.

Seules les entreprises ayant leur siège en France et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros seraient concernées.

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